Friederich Ludwig JAHN 1778-1852

1 BIOGRAPHIE ET CONTEXTE

Jahn est une figure légendaire et emblématique de la gymnastique européenne. Il représente la gymnastique allemande. C’est le fils d’un pasteur, né à Lanz. Il est élevé dans milieu religieux protestant. Ce fut quelqu’un de turbulent. Il suit des études universitaires en théologie. Sensible à la Révolution Française, il essaye de retrouver une culture d’origine. L’Allemand est un moyen de véhiculer cette culture. A cette “école”, il y ajoute certains principes de J.LOCK. Il est sensible à l’empirisme allemand, aux idées de ROUSSEAU, aux philanthropiniens, qui, plutôt, avaient fondé le collège, le Philanthropinium. En 1803, JAHN voyage en Allemagne et en Prusse. Il apprend de nombreux dialectes et langues. Ainsi il recherche une culture allemande en Allemagne du Nord. Après un passage dans l’armée, il devient un Docteur en philosophie avec des options en littérature et en histoire. Il est opposé à la domination française (la Prusse a perdu la moitié de son territoire et l’Allemagne est occupée par l’armée napoléonienne).

FICHTE est l’un des auteurs sur qui se fonde de JAHN. C’est un philosophe qui va essayer de montrer que l’éducation des hommes passe par un principe de liberté : le moi. Ainsi l’Allemagne n’est pas le résultat d’une association d’individus mais une unité. Il y a une nécessaire prise de conscience de l’individu par rapport à l’ensemble des individus. Le peuple allemand devient une abstraction et un moyen de se rapprocher à une entité (souche spirituelle, organique et naturelle). Il y a un sentiment d’appartenance à une communauté atemporelle. Les idées de FICHTE ont conduit à des formes d’organisations sociales et totalitaires. Il y a une idée de subordination de l’individu à un amour de la patrie. Ainsi JAHN accorde une part importante à la gymnastique comme un moyen de rejoindre une communauté.

Pour KANT, la gymnastique est un moyen d’accroître les tendances naturelles des hommes d’autant plus que ces tendances ne se développent pas seules. La gymnastique propose un ensemble de mouvements volontaires. Elle sollicite les organes des sens (diminution de la peur et de la crainte). Il suggère aux enfants de jouer à des jeux physiques. Il y a un impact moral et corporel. Il n’y a pas de différences entre l’éducation corporelle et intellectuelle. Il suppose que le monde intelligible et que l’esprit soient capable d’atteindre cette intelligibilité. Ainsi la gymnastique prend une dimension qu’elle n’avait pas avant KANT.

JAHN écrit Deutsches Volkstum (monde allemand) et oriente son éducation des jeunes allemands vers les principes généraux de FICHTE et KANT. Il fonde le Turnplatz (turnen : gymnastique allemande). Il s’agit d’un lieu de rassemblement des jeunes. Avec le succès, il améliore son système éducatif et publie avec EISELEN en 1916, Die Deutsche Turnkunst (art de la gymnastique allemande). Un des élèves tue un homme politique. JAHN est emprisonné 6 ans et le Turnen est interdit. Bien que libéré, il reste très surveillé et le Turnen se développe en salle (origine de la gymnastique artistique avec agrès). Il décède en 1852, année de l’avènement de LOUIS-NAPOLEON III.

2 CONCEPTIONS ET PRATIQUES PHYSIQUES

2 1 Conception

Organigramme : Décision: 9
919
1519
1811 Le Turner est une gymnastique polyvalente disciplinée et rigoureuse. Elle est située d’abord en plein air, Turnplatz. Le maître s’appelle le Turnlehrer. Tous les élèves portent un écusson :

9 : victoire des Germains sur les Romains.

919 : introduction de la chevalerie en Allemagne.

1519 : mort de Maxilien I^er dernier chevalier teutonique.

1811 : Turnkunst.

et un insigne, comportant 4 F.

Les 4F rappellent une devise : Frisch (disponibilité), Frei (libre), Frohlich (joyeux) et Fromm (pieux). Tous les gymnastes s’expriment en Allemand. Le tutoiement est obligatoire et les professeurs ne sont jamais remis en cause. Le mot Turnen vient de Turn qui lui même vient du latin tarnare (tourner). Cette gymnastique est orientée vers la joie de la pratique physique collective. Ainsi les aînés sont très attentifs aux plus jeunes. Cette éducation intégrative vise à l’obtention de victoires (en démonstration et au niveau militaire).

2 2 Pratiques physiques

Le Turnplatz est le lieu de rassemblement pour des démonstrations et des randonnées (vie en groupe, jeux en plein air). Ces randonnées se font tout le temps (endurcissement). Les gymnastes peuvent ainsi profiter de la beauté de la nature. Cela constitue un moyen de grands rassemblements (possibilité de grande démonstration : démonstration de force aux agrès). Ces randonnées apprennent à marcher et donc la course d’orientation (pas cadencé et orientation militaire). Il y a également une invention de très nombreux exercices aux agrès (repris en partie du GUTSMUTHS) : Barren (les barres parallèles), Reck (la barre fixe), Bock (cheval).

2 3 Synthèse

Il s’agit d’une gymnastique qui a une tendance à favoriser un rapport du type mystique et à la propagande. Elle est fortement portée à distribuer des idées nationalistes. Elle valorise les valeurs morales (courage, …), des initiatives et de l’énergie individuelle. Les jeunes hommes sont convaincus que la gymnastique est un devoir envers le peuple allemand. La gymnastique se réfère à deux concepts fondateurs : la notion de patrie et celle des ancêtres. Elle est appelée Drill prussien. Cette éducation a eu un rôle important dans l’Est de la France, c’est à dire dans le développement des Sociétés de Gymnastiques en France, en Alsace et en Lorraine. Il crée une solidarité régionale. Elle favorise le développement du tourisme pédestre, des styles de déplacements obéissant à un plan géométrique où l’on revient toujours au même endroit. Progressivement il y a un développement du tourisme civil, circuits pédestres et sentiers de grandes randonnées.

JAHN représente un idéal national. On rattache la gymnastique à un idéal : l’amour de la patrie. Le nationalisme et le patriotisme ne sont pas indépendant de la gymnastique. Il réunit un idéal intellectuel (l’enseignement) et un idéal physique. Il supprime le dualisme. Il utilise en partie les références grecques. Il représente un idéal masculin conforme à l’idéal grec, par un endurcissement tout en gardant une souplesse certaine. Il y a une mise en valeur de l’individualité masculine, mais dans l’esprit d’unité de l’Allemagne. L’exercice physique, la gymnastique devient un catalyseur de la nation allemande. Elle se fait par l’intermédiaire des fêtes publiques qui sont ordonnées. Elles célèbrent des ancêtres. Les fêtes gymniques vont être chargées d’une signification de rituel. La place publique devient le symbole de la gymnastique, mais surtout celui des rassemblements. Les loisirs (gymnastique) sont encadrés de musique, de chant, de trompettes, d’allocutions. La gymnastique et le lieu, où elle se réalise, deviennent un moyen de nationalisation.

G.MOSS publie dans la revue, Aimez-vous les stades, n°43 (1981), les chiffres suivants :

En 1810, en Prusse, il y avait 100 associations de gymnastique, alors qu’en Allemagne il y en avait 12000 (et dont la plupart des pratiquants sont d’origine étudiants). En 1863, il y a 134500 gymnastes en Allemagne et en 1880, 170000 (dont 2% sont d’origine étudiants).

Les fêtes gymniques ne s’adressent plus aux étudiants mais à l’ensemble de la population. La gymnastique devient un phénomène de masse et touche toute la population. Après 1848, les sociétés de gymnastique mettent en place des discours politiques et critiquent ceux qui prônent la démocratie, qui elle-même critique les sociétés de gymnastique. Les lieux de gymnastique se théâtralisent. Cette théâtralisation s’accompagne par la construction de gymnases, notamment celui de Munich. Les gymnases prennent des proportions démesurées, reproduisant un modèle antique, et deviennent des lieux de culte. La gymnastique devient l’idéal d’une nation. La gymnastique est déviée de ses buts originaux. JAHN reste centré sur la force physique et l’application militaire. Ceux qui le suivent, se portent plus sur le culte et incluent la danse et le chant qui permettent un esthétique et une spiritualité plus grands. Le sport connaît peu de développement chez les gymnastes de base.

Le déroulement est le même pour les gymnastiques suédoises et tchécoslovaques. LING s’intéresse à la gymnastique suite à l’invasion de la Suède par la Russie. La gymnastique est un moyen de redonner de la force, de la vigueur. Mais il existe un problème : la faiblesse physique peut-elle être pensé comme une maladie ? En Tchécoslovaquie, en 1862, TYRS fonde un mouvement rassemblant la jeunesse tchèque, le Sokol (faucon), en l’honneur des légendes mettant en valeur les héros yougoslaves. Le but est d’essayer de rassembler les Allemands et les Tchèques sur la base de l’égalitarisme et du patriotisme. Les Allemands refusent de participer à cette association car ils ne souhaitent pas que ceux qui ne sont pas d’origine allemande, soient associés à leur gymnastique. Ce mouvement devient un mouvement d’identité slave. Il s’est répandu dans toute l’Europe centrale. Il connaît une audience importante d’autant plus qu’il y avait des démonstrations. Il se transforme en un mouvement d’éducation dont le but est le développement des qualités corporelles, de la force et des qualités morales. Les qualités cognitives et émotionnelles doivent être développées de la même façon. Le mouvement apparaît dangereux et est perçu comme un mouvement régimentaire, par les Allemands (militarisation de la jeunesse tchèque).

Ces exercices du corps sont mis à la disposition des méthodes qui ont conduit à la construction des nations européennes.