RECTITUDE, GYMNASTIQUE CORRECTIVE ET NORMES SOCIALES
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Progressivement, on voit apparaître une association entre excellence corporelle, conception de l’éducation physique et les normes sociales.
1 MOYEN AGE ET XVIème SIECLE
Le chevalier incarne et représente la force, la technique et l’éducation corporelle. A mesure que l’on quitte l’éducation chevaleresque, il y a une diminution de l’éducation physique. Il y a une dégénération puis une dégénérescence. Les médecins sont convaincus que l’humanité dégénère car elle a perdu la prestance des chevaliers. Le modèle devient le clerc et non plus le chevalier. Il existe un modèle dominant : le chevalier qui s’entraîne et dispute des tournois. Il s’agit de l’image d’un homme fort, large d’épaule, droit et la tête haute. C’est ce modèle qui sert aux soldats. L’éducation physique constitue l’image de la force pour la force.
A partir du XVIème siècle apparaît une autre image : celle du clerc, celui qui apprend et dont l’éducation est livresque. Cette nouvelle image est totalement opposée à la précédente. Le clerc donne l’image de la courtoisie. L’apparence physique compte moins, mais elle est associée à une mémoire corporelle. Le clerc devient le modèle dominant. On conçoit le corps en fonction d’une conception plus ou moins imaginaire. On associe l’attitude corporelle à une morale, à la personnalité, à une posture. Les éducations corporelles vont permettre une hygiène. Le corps doit être discipliné (discipline par le mouvement). Le clerc est quelqu’un de retenu par rapport aux chevaliers. A cette notion de civilité est associée la prudence. La courtoisie remplace la violence physique. Au début du XVIIème, les premiers manuels définissent les bonnes attitudes corporelles. L’éducation corporelle est plus modérée, plus réservée. Elle s’applique à tous ceux qui sont en contact avec la cour et toute la noblesse qui en est au courant. A partir des manuels de civilité, des manuels d’éducation corporelle des scolaires sont écrits.
Les habitudes corporelles visent la rectitude corporelle (correspondance entre la rectitude morale et physique). L’apparence est la première forme d’éducation corporelle. Il s’agit d’une forme de typologie corporelle. Il convient de se présenter physiquement comme si les mouvements n’entraînaient pas d’effort. Il faut cacher l’expression d’un travail pénible. On associe également à cette motricité mesurée, un projet technique. Les normes de civilité définissent l’hygiène et la santé. Nos attitudes sont plus ou moins importantes pour notre corps. Le risque pour la société est la conséquence d’une non-éducation corporelle. La Renaissance est un retour aux textes anciens. Les représentations géométriques du corps apparaissent. Les proportions corporelles sont associées à des nombres. Ainsi le nombre d’or est de 1,5+√5. Il s’agit d’une mystique de la proportion du corps humain, dans l’environnement (image de la déesse grecque). Il y a apparition d’une civilisation du vêtement. Ils les cachent ou les présentent. La forme est la base de ce déplacement. Ces vêtements sont ajustés ou moulant au corps (exemple : les corsets). Les corsets sont portés par les femmes (RABELAIS y était opposé). La pédagogie mise en place, permet le développement de la notion de raideurs. Par l’éducation, il y a une maîtrise du corps. On découvre de nouvelles sensibilités du corps. Malgré certaines exigences de la société, comme les détails de la posture (ex : se maintenir, c’est une contrainte à rester le corps droit), l’exercice physique diminue (gymnastique spéculative). L’aristocratie considère que la bienséance corporelle sont des capacités innées. La noblesse se porte naturellement de façon élégante. Les règles de bienséance sont associées à des règles de castes.
2 LE XVIIème SIECLE
Ce qui se met en place au XVIème siècle se généralise et définit l’époque classique (classicisme). C’est à partir de ce classicisme que va être étudié le Bien et le Mal. Jean-Baptiste DE LA SALLE met de l’ordre entre la relation élève-maître. Il met en place sa civilité. L’élève doit rester droit, faire attention à la position de ses mains et de ses pieds. Pendant ce temps, le maître doit rester fixe sans montrer que l’on est dans une position incommode. L’éducation corporelle est un modèle du physique de l’élève. Il existe ainsi un respect des formes. Les pédagogues ont du instaurer les châtiments corporels. Ils en affinent les usages, tout en les adoucissant. Ainsi P.ARIES nous relate les bonnes manières aristocratiques (comment le regard des filles est codifiés). Il y a un apprentissage du contrôle de soi. Il ne doit pas y avoir de gestes qui trahissent ce qu’on ressent. Les mots que l’on doit prononcer doivent être modulés. L’habilité à combattre n’est plus une expression de la force. L’éducation vise à plaire dans le monde civilisé. Ainsi les militaires vont surveiller leurs apparences et leurs élégances (apparition des miroirs).
Le langage va se modifier pour être adapté aux bonnes manières. Il en est de même pour les pratiques sportives : il est recommandé de faire de l’escrime et de l’équitation. Cela va jusqu’aux attitudes face à un adversaire. Il y une institutionnalisation du manège royal qui est renforcée par la codification de l’art de monter à cheval de PLUVINEL. Le XVIIème siècle est le siècle de la codification de l’art de faire. En 1761, l’Académie de la danse est créée. Avec le classicisme apparaissent des manuels qui facilitent l’acquisition de mouvements gracieux et des bonnes manières (ex : les lettres de Madame SEVILLER). La danse est vue, regardée, il y a donc une codification des mouvements par rapport aux gestes impudiques qu’il pourrait y avoir.
Il existe également une idée de protection de l’enfance. En effet l’enfant est perçu comme fragile. L’éducation corporelle est un moyen de protection. La pédagogie au nom de l’image de l’enfant constitue une protection contre le Diable. Les Jésuites font partie de ceux qui s’intéressent à l’éducation des jeunes qu’ils ont à leur charge. Ils mettent en place dans leur éducation, une éducation physique. Dans les camps, les jeux en plein air (lutte, pugilat, lancer du disque, …) apparaissent. Avec la Renaissance, ce sont principalement des jeux qui sont proposés et non une éducation étudiée. A cette époque, on voit dans l’éducation un moyen de former un plaidoyer (art de convaincre). A l’école, on doit se tenir correctement, il s’agit en quelque sorte d’une école d’élégance.
A la fin du XVIIème siècle, le rachitisme apparaît comme une préoccupation importante. La notion de faiblesse est approchée scientifiquement. On se réfère aux données de la science du moment (mécanique, physiologie, …). Les médecins s’intéressent aux causes des déformations et à leurs remèdes. Des analogies entre le fonctionnement corporel et la mécanique sont faites. L’éducation corporelle est enrichie d’un originel mécanique. Les médecins élaborent des explications par analogie. Ainsi les corsets deviennent plus adéquats. Des questions sont alors émises : les forces du corps sont-elles suffisantes ? L’homme crée des appareils pour la gymnastique médicale et paramédicale (gymnastique kinésique). Il y a une valorisation des nouvelles machines dans un but thérapeutique (nobles et bourgeois). Amboise PARẺ invente de nombreux appareils. L’éducation corporelle est basée sur l’utilisation des mains ; ainsi une nouvelle terminologie apparaît : l’éducation physique est née.
3 LE XVIIIème SIECLE
BALLEXSERD est le premier a utilisé l’expression éducation physique. Pour BROUZET, dans L’éducation médicinale des enfants, Paris 1754, une partie de l’éducation physique a pour principal objectif un bon développement de l’enfant. DESESSARTZ, dans Traité de l’éducation corporelle des enfants en bas âge, Paris 1760, voit l’intérêt du développement des enfants. Il voit les soins qu’il faut apporter aux enfants. Il effectue de nombreuses considérations sur ce qu’on peut faire à des enfants (bercer, sur le ventre, sur le dos, …). Une éducation physique apparaît. HIPPOCRATE fut le premier à poser ses problèmes. BALLEXSERD est le premier à utiliser l’expression éducation physique. Cette expression provient d’un médecin et est associée à un contexte médical concernant les enfants et leur évolution par l’éducation.
Andry DE BOISREGARD écrit L’orthopédie, où l’art de prévenir et corriger dans les enfants les difformités du corps le tout part des moyens à la portée des pères et mères et de toutes les personnes qui ont des enfants à élever (2 volumes). Il propose des moyens à la portée de tous (instituteurs, pédagogues, …). Il est l’inventeur du mot et de la pratique ortho (droit) pédie (enfant). Il faut redresser les enfants. Il fait un bilan clinique à partir de certaines observations. Il envisage les parties dans leur perfectionnement naturel et il enseigne maintenir les enfants dans cet état de perfection (naturalisme). Il les considère par rapport aux difformités, depuis celles qui attaquent la taille et le visage jusqu’à celles qui attaquent les ongles et les cheveux (naturalisme hippocratique). Il emploie le jeu pour remédier à l’infirmité des enfants. Il refuse initialement les contraintes imposées liées à l’usage d’appareillage ou de la main de l’adulte.
Il fait l’apologie de la nature tout en proposant des exercices pour rendre conforme les difformités des enfants. Il propose un aménagement de l’environnement matériel du développement des enfants (chaise, banc, table : école). Les pédagogies corporelles vont ainsi devoir intégrer les caractéristiques corporelles des élèves. Avant 1960, en éducation physique, l’éducation corporelles, la gymnastique et les enseignants centrent l’action éducative sur tout sauf sur les caractéristiques des élèves (excepté chez ROUSSEAU). Cette orientation est normative, c’est à dire que l’action de l’adulte sur l’enfant se fait par rapport à une norme sociale (notion de rectitude, chaise, fauteuil-école-, évitement des voussures-normes sociales, homme courbé est plus un animal qu’un homme-). Il propose de corriger certains effets de la nature : contradiction rédhibitoire. HYPOCRATE suppose que la nature est suffisamment puissante que l’homme n’a besoin de rien. Pourtant l’homme a besoin d’aide.
DE BOISREGARD propose de corriger certains défauts. On suppose qu’il existe un modèle corporel chez lui pour pouvoir effectuer des corrections. Ainsi lorsqu’une personne n’a pas les 2 épaules à la même hauteur, il met des poids sur l’épaule la plus basse afin qu’elle remonte. Il sollicite la mécanique naturelle à l’homme. « L’épaule qui porte un fardeau monte toujours plus haut que celle qui n’est pas chargée ». Cette intervention constitue la base de l’orthopédie. Ainsi le bâton orthopédique permet la correction de la taille et l’allongement des clavicules. Il s’agit du début d’une nouvelle gymnastique : la gymnastique corrective. Il s’agit de la conséquence et de l’application de l’iatromathématisme (mathématisation par les médecins de la médecine) ou de l’iatromécanisme (étude mécanique des mouvements du corps par les médecins). Ces derniers ont pour but de soigner.
TISSOT, chirurgien-major français (Clément-Joseph, 1750-1826) écrit La gymnastique médicale et chirurgicale, 1780 à Paris. Il apporte des nouveautés à la gymnastique. Il se situe dans la perceptive hippocratique. Pour lui, l’utilité du mouvement est importante (essaye de démontrer cela). Le mouvement est un des moyens à la disponibilité des médecins pour rétablir voire prévenir les maladies (gymnastique préventive, curative). Une partie de l’histoire de l’EPS est liée à la médecine. Il associe le mouvement à l’idée qu’il est à l’origine d’un processus vital plus important. Le mouvement permet de définir la vie. L’absence de mouvement est synonyme de mort. Cette idée est retrouvée chez de nombreux auteurs et dans la conception de l’éducation physique. C’est le départ du vitalisme (matière vivante est insufflée par un principe qui la met en mouvement). Le mouvement fait partie des processus vitaux. Si ces associations sont historiques, il n’est pas sûr que ces associations ne seraient pas mécaniques (certains sportifs de haut niveau dans certains sports n’ont pas la même espérance de vie que la population).
La notion d’exercice physique est bonne quand il n’est pas intense. TISSOT préconise que ce qui est bon, ce sont les exercices physiques modérés. Il dénonce les exercices physiques intenses et la totale absence d’exercice physique. Pour lui les exercices physiques sont dans la médecine. Les médecins s’adressent à des malades (exercices physiques corporels). L’éducation physique est également valable pour les personnes en bonne santé. Il propose un classement des exercices en fonction des effets. Il précise leur modalité d’exécution : il fait l’œuvre des professeurs d’éducation physique. On voit pour la première fois, la gymnastique respiratoire. Le mouvement (l’exercice physique) tient lieu de remède. En miroir, il explique que tous les remèdes ne peuvent servir de mouvement. Il apparaît comme un précurseur de la mécanothérapie. Il propose une mobilisation segmentaire dont le but est de prévenir l’enquilosement, les arthrites, les entorses, les fractures, … Il conseille les bains-douches, les frictions, les massages. Ainsi l’histoire de l’éducation physique est très liée à celle de l’hygiène (cf VIGARELLO). Aux XVIIIème et XIXème siècles, de nombreux professeurs fondent leur éducation physique sur l’hygiène.
Cette conception de la gymnastique corrective considère que son évolution ne peut pas passer par un autre domaine que la science. Elle s’appuie sur les résultats des sciences expérimentales. Elle influence la gymnastique suédoise. Ces différents auteurs constituent un nouveau courant : la gymnastique hippocratique. HYPOCRATE vivait au VIème siècle av J-C. Une question se pose : les sciences médicales ont-elles progressée ?
Après 1750 se développe l’idée spéculative que l’espèce humaine connaît une dégénération. Avec la Révolution Industrielle, la dégénération devient dégénérescence. Ces idées s’installent au point qu’une conception de l’éducation apparaît : l’eugénisme (suppression de ceux qui ne sont pas normaux). C’est un problème dominant car il est lié à un point de démographie. C’est un problème qui s’amplifie car on le considère comme lié à l’affaiblissement général de la population. Ceux qui proposent l’éducation physique vont y associer la force. Ils vont s’intéresser à l’évolution des nourrissons et à la prévention. L’industrialisation qui est liée à un besoin d’hommes, est associée à l’idée centrale que nous sommes les descendants du progrès.
Pour lutter contre la dégénération, on suppose qu’un nombre d’individus éduqués physiquement constitue un indice de la force d’un état. On améliore alors le peuplement. Il y a une mise en place technique qui favorise la démocratie. La population devient synonyme de richesse d’une nation. Dans ce contexte, le regret des chevaliers apparaît. Il y a une apparition de nouvelles formes de conception de l’éducation corporelle. Il y a une approche phylogénétique justifiée par la phylogenèse apparue. VERDIER ouvre un établissement qui accueille les enfants victimes de difformités. Ainsi apparaîssent les notions de guérisons et d’une grande potentialité de l’espèce. Cette notion de phylogenèse se fait avec L’histoire naturelle de BUFFON. Il y décrit des conditions et montre comment des espèces animales dégénèrent. Ainsi la dégénération correspond à des dégradations superficielles de certaines qualités humaines. L’époque favorise le développement des gymnastiques correctives pour remédier à la vie de cour ou de salon, une vie où l’artifice a pris le dessus. Tout est critiqué. L’homme a perdu sa virilité. On voit également apparaître un idéal corporel masculin : larges épaules, sensibilisation au relief musculaire associé à la force. L’ensemble du corps est associé à l’expression du corps (nouvelles techniques du corps). La gymnastique devient plus rationnelle, les analysent également. Après 1750, la littérature pédagogique est abondante et explicitement liée au corps. Elle est liée au perfectionnement corporel, de plus en plus associé aux données de la science naissante. Le problème devient politique. Des politiques d’éducation physique sont mises en place pour développer les hommes.